Les textes que j’ai écrits durant la première séance de mon atelier au MOB Hotel, le 15/10/2023.
Une écriture de l’écologie, une écologie de l’écriture
Écrire le combat ? Non, écrire le but. Réécrire la lutte pour qu’elle ne fasse plus débat. Je me débats entre espoir et angoisse alors j’écris avant que ça me dépasse. Quand il le faut je crie, je casse, pour défendre l’idée d’un monde vivant pour rester vivant dans un monde édifié pour fendre le destin de celleux né-e-s du mauvais côté de l’humanité.
Alors faisons écologie de nos écrits, faisons les communiquer, coexister, grandir et s’entraider. L’autre loi de la jungle deviendra le nouveau cri. Soyons les combattant-e-s de l’écritologie.
Texte à trous
À partir d’un extrait de la page 91 du roman Terre farouche de Patrice Franceschi :
« Ce soir, ils nous emmènent avec eux. Mais (…) par habitude, nous tirons à la courte paille. (…) En silence, dans la nuit sombre, (…) où se meuvent des milliers d’étoiles. (…) Tout à coup, deux petits yeux verts et brillants se prennent dans la lumière.
Sam et moi, on se regarde dans les yeux et je vois la peur dans les siens. C’est elle qui m’a entraîné là, ou bien c’est moi. On s’est convaincu-e-s toustes les deux, on a décidé de ne plus avoir peur de rien. On les a rencontrés et ça a tout changé : nous et notre agentivité tout nouvellement trouvée. Il faut qu’on change ce monde immonde qui nous dérange. Alors, ce soir, ils nous emmènent avec eux. Mais à part ça, on ne sait rien.
À trois dans une voiture, ils arrivent enfin. On monte et on se prête au jeu des présentations. Puis ils nous expliquent la suite des opérations. On va s’infiltrer dans un camp de naissance, dans une nurserie de poules que l’on fait grandir pour les tuer. C’est très simple, ils y sont déjà allé.
– On sauvera ce qu’on peut. Et on n’y va qu’une fois, faut pas pousser la chance.
On acquiesce en silence.
Sur place, il faut choisir les rôles. Une personne au volant qui ramènera la voiture à temps. Un veilleur pour prévenir en cas de danger. Trois personnes pour embarquer les bébés. Tous leurs gestes se font par habitude ; nous tirons à la courte paille. Sam et moi irons dans le camp.
En silence, dans la nuit sombre, nous suivons notre guide à travers un trou dans la haie et nous glissons sous des barbelés. Nous nous retrouvons les pieds dans la boue, entre six bâtiments blancs, des hangars bruyants.
– Il faut trouver celui des plus jeunes.
Je me retrouve assis au sol, à soulever une trappe que je trouve ouverte. Le cœur battant, je m’arrête un instant. Je vois un raie de lumière filtrer et me retiens de pleurer. Il est deux heures du matin et on prive de sommeil des bébés qui alors s’épuisent à piailler. Je fais un signe à mes camarades et laisse une larme couler en regardant une seconde le ciel où se meuvent des milliers d’étoiles.
Les poussins entassés dans la cage à chat, nous courons en rebroussant chemin, soulagé-e-s que tout se passe bien. Tout à coup, deux petits yeux verts et brillants se prennent dans la lumière de notre lampe torche. Nous retenons notre souffle. Pourvu que le chien comprenne que nous nous battons aussi pour lui, contre son maître qui n’hésiterait pas à l’abattre s’il montrait le moindre signe de maladie.