Écriture et écologie, comment écrire de nouveaux récits ? #1bis

Une écriture de l’écologie, une écologie de l’écriture

Je vais remplir ma vie d’écologie, faire le vide, sortir de l’économie. Pas écrire pour vendre, écrire pour tendre à vivre, pourfendre les ennemis du vivant. Écrire pour vivre en grand, plus batailler pour une vie à demi. Écrire debout parce que ça veut dire beaucoup. Écrire un monde où l’on peut voir les étoiles. Tisser une toile d’éco-système lumineux, mains tendues à tous coins de rue pour en découdre avec cette immonde réalité. Écrire c’est prendre le temps. Écrire ensemble c’est partager des moments, créer des brèches pour se permettre le temps de le prendre. Et tout ça, c’est mon écritologie.

Texte à trous

Je marche depuis deux jours et chaque pas me rapproche de la vérité. Un jour, j’écrirai dans un vrai carnet ; aujourd’hui, je me contente de ces pages de journal blanchies au soleil. Je me suis échappé-e de La Ville. Je ne me lasse pas de l’écrire… Le monde est vrai et vaste, ouvert et faste. J’avance jusqu’à atteindre ma première destination d’aventurière. D’entre les arbres, me parviennent des sons mêlés d’humains et de vie sauvage. Surgissent deux femmes discutant gaiment en portant des paniers vides. J’avance, m’introduis par là où elles sont sorties. La jungle est un univers étrange où les branches sont tantôt libres, tantôt le support d’habitations charmantes et bricolées, où les humain-e-s se croisent, s’interpellent, vivent et passent dans le plus grand désordre, aussi grandiose que la musique végétale ou le discret mais constant ballet animal.

Devant tant de beauté, de vie et de couleurs, je pleure. Sous mes yeux embués, tout se brouille et la vie grouille sans discontinuer. Mais tout tourne et je vois en kaléidoscope cette vie nouvelle qui me fait l’effet du premier rayon de soleil après l’orage ou l’arc-en-ciel qui se forme en hâte pour nous consoler des averses.
Je reste assis-e pendant des heures à tout observer, changeant de poste régulièrement pour ne rien rater. On me laisse faire, on me sourit. On me tend de l’eau et quelques fruits.

Le soir tombe et c’est joli. On allume des guirlandes qui font danser leurs lueurs, créant un théâtre de formes oniriques qui se mêle à l’ombre de la forêt. Et moi je me sens comme ça aussi, ces merveilles du soir qui leur sont quotidiennes et qu’iels ne semblent plus voir. Je n’ai pas sommeil. Je vais continuer ma découverte en me faufilant dans les interstices de leur vie encore un temps, sans bruit, dans l’anonymat. J’oublierai La Ville infernale au profit de la jungle où l’on peut imaginer être ange.

Pastiche de Philippe Delerm, instantané littéraire

Les premiers soleils d’automne

Il a fait trop chaud tout l’été. On a parlé frénétiquement de météo avec tout le monde : famille, amis, étrangers. Mais la discussion innocente par excellence est devenue une hypocrisie partagée et rassurante. On parle aujourd’hui météo pour ne pas parler climat, pour noyer l’angoisse dans l’insignifiant. On garde la crise en hypotension.
Puis il y a eu la pluie. On l’a saluée d’abord, même secrètement applaudie. Elle lave les péchés de l’été, elle soulage les esprits rendus inertes par l’ensoleillement infini. Mais après plusieurs jours enfermé chez soi avec un bon livre dont on ne relève les yeux que pour savourer la course des gouttes sur la fenêtre, on se languit de l’extérieur. On se met à regretter l’insouciance des longues marches au soleil, quand rentrer à pied du boulot nous faisait sentir les parfaits écolos.
Alors quand l’automne s’installe enfin, avec ses petites surprises de jour soleil, la conversation météo reprend son rôle premier. On peut oublier un peu la catastrophe et profiter encore du soleil et des marches à pied, en laissant derrière nous l’anxiété de l’été. Les premiers soleils d’automne sont des printemps que l’on peut déguster sans culpabilité.

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