Si le monde était queer, je lui prêterais ma voix #2

Textes écrits lors de la deuxième séance de cet atelier, le 07/11/2023.

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Consigne 1 : Montrer la voix, faire entendre la voie

Quand les queers parlent d’un problème, les imbéciles critiquent nos voix. Elles sont trop graves, trop aigües, elles ne correspondent pas. Paraît qu’elles sont trop agressives, aussi. Moi j’ai la voix d’celleux qui se défendent et si ça t’plaît pas, c’est qu’t’as rien à faire ici. Tu peux suivre la direction de mon doigt, la sortie c’est par ici. Mais si tu veux rester, je t’en prie. Va juste falloir oublier tout c’que t’as appris. On va réécrire les règles pour rendre la fête un peu plus belle.

Consigne 2 : Réécris une histoire d’amour célèbre

Y a beaucoup d’histoires d’amour cis-het qui me font siffler, qui me déclenchent un bon gros soupir. Franchement, si on m’écoute, faudrait tout réécrire. Mais y en a une à laquelle je pense vraiment souvent, un peu trop peut-être, parfois c’est flippant.
C’est une histoire de non-amour. Pas le classique « Haha hate my spouse », non, du genre qui a façonné l’Histoire. Enfin… Si on en croit le cis-het Stefan Zweig. À quinze ans, j’ai lu sa biographie de Marie-Antoinette. Eh bah ça m’a appris que la Révolution française est une grosse conséquence des suites d’un problème de zgeg. Louis XVI avait quelque chose comme seize ans et Marie-Antoinette genre quinze quand ils se sont mariés. C’est assez connu, Louis XVI pouvait pas bander. Mais pendant des mois, voire des années, à cause de la pression des héritiers, il rendait régulièrement visite à Marie-Antoinette pour essayer. Mais il y arrivait pas, du coup il repartait. Quand il a fini par accepter de se faire opérer, c’était trop tard, Marie-Antoinette était déjà frustrée. Elle a compensé avec des dépenses (les femmes sont des paniers percés, c’est connu, non ?) énormes et indécentes, un Petit Trianon, des amants et même des amantes. Selon Stefan, c’est ça qui a achevé d’enrager le peuple.
Maintenant, imaginez. On a un couple normal (enfin LGBT quoi). Y a une des personnes qui a un problème sexuel. Elle en parle à l’autre et iels trouvent des solutions, iels utilisent genre leurs mains, ensemble ou chacun-e de leur côté. Personne n’est frustré, personne ne s’achète un collier quand le peuple crève la dalle, pas de décapitation. Ah merde, attendez. Moi j’disais ça pour elleux. Mais peut-être que dans ce cas-là, c’était bien que Louis XVI et Marie-Antoinette soit un couple cis plus ou moins het.

Consigne 3 : écris le point de vue du couple cis-het qui est entré dans la salle tout à l’heure (consigne de Cy)

Qu’est-ce que je fous là ? C’est Christine qui a voulu venir. Depuis qu’elle a rencontré sa nouvelle pote, je la reconnais plus. Elle m’a sorti tout un discours sur sa sexualité, paraît qu’elle a toujours été attirée par les filles mais qu’elle a jamais osé. Première nouvelle, ma meuf est bisexuelle. Ça me pose pas de problème, hein, mais du coup je comprends pas pourquoi elle a jamais accepté mon idée de plan à trois ! Bref, j’suis un mec sympa donc ouais, j’suis venu là ce soir. C’est sa pote Caro qui lui en a parlé. « Tu vas voir, elle a dit que c’était trop mignon, qu’il y avait une petite cave en bas, comme on aime ! » Je peux pas lui résister quand elle est contente comme ça. Alors j’suis venu ce soir, ouais. Ça va, ça change comme bar. Mais c’est pas un peu… bizarre ? Je m’attendais à un truc plus hot, quoi, avec des meufs qui se pelotent dans les coins. Là, j’sais pas, elles ont toutes surtout l’air d’être potes. Et en bas… Oh putain, en bas ! Y a bien une cave, ouais. Mais y a une dizaine de meufs chelous (bon, Chris m’a dit de pas dire « meufs » parce qu’apparemment on peut pas savoir, mais enfin ça se voit, non ?) assises en cercle, avec les cheveux courts, des maquillages comme des pubs Sephora et des fringues de mecs. C’est quoi, le groupe des lesbiennes frustrées anonymes ? Nan mais j’te jure. Ça m’apprendra à être sympa, tiens.
– Sébastien ?
– Mmh ?
– Tu sais que tu viens encore de penser à voix haute ? Il vaut mieux que tu te casses.
– Je savais qu’on n’aurait pas dû venir.

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