Si le monde était queer… 11/11

Ce soir-là, on était 15 ! Alors j’ai voulu faire de l’atelier un jeu. Je me suis un peu inspirée du jeu de société Focus, que j’avais découvert la veille. Alors j’ai sorti « les ptits papiers », que les habitué-e-s connaissent bien. Chacun-e avait un petit papier sur lequel iel devait écrire une phrase : de son invention ou une phrase clichée, un dicton, une expression, une citation etc… J’ai mélangé tous ces petits papiers et les ai redistribués pour qu’à chaque personne soit attribuée une phrase. Puis on a replacé tous les papier sur la table centrale pour les avoir sous les yeux.

Consigne 1 : écris un texte à partir de la phrase que tu as reçue. Attention : la phrase ne doit pas figurer dans ton texte ! Au moment de la lecture des textes, les autres participant-e-s devront deviner la phrase que tu as illustrée. Tu peux te servir des autres phrases pour mener tes camarades sur des fausses routes…

Rien ne sert de courir, il faut partir à point.

T’sais, ça m’fait pas plaisir d’être la pote qui va toujours mal, d’être celle à qui il arrive toujours des tas de galères, que la vie essaie toujours de foutre par terre. C’est ptêtre parce que y a des pièces qui étaient déjà abîmées au démarrage, ptêtre parce que je fais plein de trucs, j’essaie tout, j’me fais des ami-e-s partout où j’vais comme un puppy trop sociable. C’est ptêtre aussi parce que je m’attarde sur les choses, les gens, la vie, la mort, et c’qui s’passe dans le monde. Et ptêtre aussi parce que j’en parle, parce que je ferme pas ma gueule et j’fais pas semblant. Et ptêtre aussi parce que même au fond du trou, je remonte à la lumière pour voir les gens, montrer ma tête, pas me faire oublier, puis simplement sociabiliser. Dis-toi qu’à 12 ans, alors que je passais mon temps sur mon balcon, attirée par le vide, je suis devenue amie avec un corbeau.

T’façon j’ai compris tôt que la vie c’était pas La Petite Maison dans la Prairie, mais j’ai continué quand même à avoir des idées et des envies, parce que bah… faut bien ? Alors j’ai lu plein de trucs parce que quand la lecture commence à 1 an et demi, tu t’attardes pas trop sur les Tchoupi, tu vois, même si tu lis, ou plutôt tu te fais lire Chien Bleu en boucle.

Alors ouais bien sûr, j’ai fait des tas de trucs, et j’ai kiffé, et j’ai plein de joies, des bulles de bonheur, petites étoiles qui brillent et me poursuivent. Ma psy intérimaire essaie de me redonner un sens de l’identité, alors elle me dit que je suis pas ma mère, que j’ai ma propre vie, différente de la sienne. Oui, je sais, Françoise. Mais parfois suivre ses pas me donne de la force. Même si t’as mal, même si c’est dur, tu continues, t’avances, tu vis, bordel !

Alors ouais, du coup on peut se dire que je m’éparpille, que je suis dans une fuite en avant pour pas m’arrêter. Mais en fait ptêtre que j’suis un requin, qui meurt quand il s’arrête de nager. Du coup ouais, y a toujours un truc qui va pas.  Et du coup ouais, j’suis toujours occupée. Et y a plein de trucs que je fais pas, que j’ai jamais fait, jamais testé. Je remets plein de choses à plus tard en espérant toujours qu’il ne soit pas trop tard. Et j’essaie de garder en tête ce qu’un ange parti trop tôt et qui avait souvent raison m’a dit : je suis encore jeune, j’ai le temps et tous ces trucs que je voudrais vraiment faire, je finirai bien par les faire, quand ce sera le moment.

Cette phrase m’a fait penser à la chanson « SORRY I’M LATE » de RØRY, j’ai écrit ce texte avec les paroles en tête.

Consigne 2 : Raconte une première fois. Ça peut être sexuel, mais ce n’est pas le but premier de la consigne.

J’ai tellement de premières fois à raconter et j’ai toutes mes idées qui veulent vous parvenir. J’ai terriblement envie de vous raconter ma première libération animale, parce que je veux faire exister l’antispécisme. Mais j’ai pas les mots justes qui me permettraient de rendre justice aux 33 poussins sauvées de la mort et d’une vie de hangar toujours allumé. Et puis comment raconter ça en 12 minutes et ne rien dire ou pas assez de Rimbaud, ses mauvais côtés, ses bons et surtout ses mots ? Alors non.

J’ai perdu du temps mais tant pis. J’ai envie de raconter ma première fois ici. J’étais venue rencontrer K pour proposer mon atelier. On avait ri parce qu’on est petites alors pas de risques de se cogner la tête en descendant les escaliers. Elle a adoré mon idée, elle m’a dit oui. Alors après notre discussion, j’ai pris une table et j’ai écrit. Mes impressions sur le lieu, l’ambiance et mes envies pour l’atelier. Je voulais un truc chaleureux et global, un truc pour écrire ensemble, sur tous les thèmes qui me passent par la tête. Pas forcer un truc qui nous rassemble : le sexe, l’homophobie, la transphobie, nos corps, l’amour. Nan. Juste l’écriture entre nous. Dans ce lieu où, dès la première fois, je me suis sentie chez moi. J’avais pris un Baiser Lesbien. Je venais de lire Stone Butch Blues et j’en ressentais l’héritage respectueux, sans l’horreur des souvenirs douloureux. Et puis après, premier atelier du lancement de mon activité. Des moments toujours beaux partagés ici avec vous. C’est un peu chez moi. Et chez moi c’est rare alors merci. Heureusement qu’il existe ce brouillon de premières impressions parce que j’aurais tout oublié sinon. Tout nouveau remplacé par aise, home.

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