Écriture écosystème 09/11

Découvrez les textes qu’on a écrit ensemble à La Cale le 09/11/2024, petit écosystème d’écritures qui se sont rencontrées ce jour-là dans un lieu propice à l’inspiration.

Consigne : Décris ton milieu naturel préféré, ce qu’il te fait ressentir, imaginer. Attarde-toi sur les détails.

Lou Gasparini : Rivière de forêt de montagne

Rivière de forêt de montagne.

Pierres de la rivière, leurs différentes tailles, leurs diverses couleurs et formes et textures et douleur sous mes pieds quand je leur marche dessus pour remonter le courant. Pour jouer à Indiana Jones avec mon petit chien, clapoter dans l’eau où on a patte et pied. La joie, le froid, le bonheur simple de me sentir à ma place, dans cette forêt qui m’a connue enfant. Alors j’y amène mon enfant, je transmets la joie de connaître cet endroit et d’en être une habituée.

Les chants d’oiseaux, les glouglous de l’eau qui s’écoule assez tranquille ; ce n’est qu’un bras, une déviation, du torrent son parent.

Le soleil tout doré à travers les cimes, paillette toujours magique qui déclenche mon sourire.

Quand le froid engourdit trop nos pieds, demi-tour, on va s’abriter, attraper un rayon qui veut bien se laisser caresser, là-bas, sur le sol de la forêt.

Lecture de Tobie Lolness sous un arbre, se demander si c’est l’espèce de l’arbre dans lequel vit Tobie. Je me laisse emporter, je suis Tobie, l’arbre et la forêt. Je me sens m’enraciner ici aussi et regarder toute ma vie l’eau couler.

Demain peut-être un autre voyage, à la cascade de Pan, me prendre l’eau un peu fort sur la tête pour me remettre les idées en place. Et la terre noire qui restera sous mes pieds. Cet endroit où je me demande toujours un peu, dans un coin d’idée, s’il ne me transporte pas sur une autre planète, un peu enchantée.

Mais pour l’instant, je suis Tobie, l’arbre et la forêt ; les mots disparaissent, je suis l’eau qui entame son voyage, pour venir me refroidir les pieds à nouveau, dans un prochain cycle.

Emma : La mer morte

Le sable glisse, descend la dune. Avec lui la chaleur se répand, le soleil coule. Il brûle, il pique, il pétille. Pollué de milles petites billes de plastique, il est criblé de trous, de tombes, de châteaux. Il se crée puis s’auto-détruit. Transformation, nouvelle forme chaque matin.

L’eau est fraîche. Les enfants, les parents, les surfeurs se réjouissent des vagues. Elle est pleine d’écume quand elle arrive sur la plage. Des petites bulles blanches, de la mousse et un sceau oublié par un enfant maladroit. Tout cela va et vient avec les vagues. Tout cela s’échoue. Tout cela tout cela sera emporté par des bénévoles demain. La mer donne et prend, parfois, à notre immense tristesse. Aujourd’hui, la mer accepte.

Les vagues l’ont vue grandir. Des premiers pas dans l’eau au dernier feu de camp sur la plage. Elle a ri, parlé, aimé. Et aujourd’hui, elle y retourne. Elle part retrouver son creux dans les vagues. Plus besoin de craindre les baïnes, elle est la mer et la mer est elle. C’est ce qui réconforte ses enfants alors qu’ils dispersent les dernières cendres sur les flots.

Domitille :

C’est un tunnel de fleurs et de senteurs. Des roses blanches, en boutons, en bouquets. Elles rayonnent au-dessus de ma tête.

C’est un petit coin de jardin, dans un petit coin de France que j’appelle chez moi : on appelle ça « la treille ». C’est une roseraie, chez mes parents, dont chacun des plants vient de chez mes grands-parents.

Ça en met plein les sens, au printemps, et j’aime m’y promener toute l’année, même quand les épines sont nues.

Elles sont à la fois chaleureuses et hostiles, pavanant la douceur de leurs pétales aussi bien que leurs armes aiguisées.

Je n’ai pas le cœur à tailler la masse épaisse de leurs liens entremêlés. Par soucis de préserver mes mains de leur efficace autodéfense.

Mais aussi parce que je me sens coupable de les apprivoiser. Elles, les belles. Qui sommes-nous pour tailler l’éphémère à notre mesure ? Et puis j’ai besoin que ce moment ne soit rien. 

RIEN.

Pour une fois, un rapport gratuit, désintéressé à mon environnement : pas de train à prendre, pas de délai à respecter. Juste des couleurs à regarder, des senteurs à humer. 

Béatrice :

Mon milieu n’est pas un lieu, ce sont mille lieux… 

Du moment que je me sente bien. L’harmonie, la bienveillance, la paix, le flottement, la continuité. 

Soudain une vague, une énergie, un bouillonnement. 

Ça ressemble bien à la mer, qui respire, mais ça ressemble aussi à un champ avec les herbes qui ondulent et caressent, et sont caressées, décoiffées, recoiffées, irisées par le vent, et dessinent un tableau qui se reflète dans les nuages. 

Tout est lié. 

Il y a dans les lieux une présence, un mystère, un lien avec le cosmos, la matière, le temps, passé, présent et futur, et un non-temps. 

Je suis là. 

Dans les herbes. 

Il y a des fourmis, plus loin des oiseaux, des renards, de temps en temps, la tête d’un petit enfant rieur dépasse, puis se cache, à nouveau, comme un pop up. 

Le silence revient. 

Mais je suis sûre que quelque part ils sont là, et il est là aussi, l’homme que j’aime, ouvert à l’humanité, à l’universel. 

Et qu’à côté de lui, je vais caresser les blés.

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