Si le monde était queer… 03/12

Dans la journée avant d’animer cet atelier, j’ai participé à mon premier atelier de dégustation de vins, avec le noyau dur du petit groupe avec qui je pars à Venise tous les deux ans. Alors j’ai eu envie de recréer cette ambiance et d’organiser une petite dégustation littéraire, une dégustation de mots. Sur cette photo, vous pouvez voir les mots de la consigne de lancement, où j’ai demandé à mes participant-e-s de réfléchir à trois mots qu’iels trouvent intéressants dans leur sonorité, ou dans leur texture en bouche. On a fait un premier entraînement en commentant trois mots que j’avais écrit en plus, exprès : « Flou, Iridescent, Affriolant ». Je leur ai demandé de dire ce que les sons de ces mots leur évoquait, ce qu’ils leur faisaient ressentir, ce qu’iels pouvaient dire sur ce qu’il se passe quand on les prononce, etc. L’idée était de ne pas trop s’attarder sur le sens, mais vraiment sur l’aspect physique, palpable du mot.

Pour la première consigne d’écriture, il s’agissait de faire cet exercice chacun-e dans son coin, en prenant deux ou trois mots de la longue liste commune et de noter, au brouillon, ce qui ressortait de la dégustation de ces mots. S’il était amusant, cet exercice n’était pas facile et n’a pas forcément plu, je cherche à en créer une version améliorée. La dernière partie de l’atelier, en revanche, a inspiré de super textes ! Et je dois avouer que je suis assez fier du mien…

Consigne 2 : À partir des mots de la liste, écris un texte pour les lier, en jouant avec leurs sonorités. Tente de les associer : comme on choisit un vin pour aller avec un plat, quels mots se marient bien entre eux et s’équilibrent pour créer un mélange savoureux ?

J’ai marché avec mélancolie le long d’une écluse. Un conciliabule mouvant avec ce mot rivière qui me coule dessus et me noie un peu, qui m’accompagne souvent et me colle à la peau, un peu pompeux. J’aime prononcer son nom mais j’en ai marre de l’appeler, marre de sa compagnie. Je le laisserais bien s’arrêter à l’écluse, bloqué au niveau bas, impossible de couler dans une eau en pause. Je voudrais appeler close, une fin douce, une pause, un adorable adjectif à caresser. Clap de fin au conciliabule, air emprisonné dans des pensées qui tournent et qui font mal, paroi de la bulle iridescente qui s’étirent et s’étendent, mélancolie prend trop de place, je voudrais la laisser à l’écluse.

Point final, à la ligne, peut-être. Aller chercher la chaleur de peluche, petite peau qui chuchote et qui tient chaud dans l’âme. Un peu gauche et maladroite, peluche est là dans toute sa bonhomie, me tient à la main et l’esprit. Elle m’offre un thé et salade, ni sale, ni salée, ni malade. Mal aimée salade, verte ou gourmande, en fonction de ses humeurs. Salade a la délicatesse de venir contrebalancer la maladresse de peluche avec son élégance discrète et humble.

Alors je peux sortir du marasme des pensées boueuses qui s’accrochent, s’insinuent, brouillent tout. Marasme y en a marre de tes miasmes, je veux plus te laisser mon cœur à engluer, marasme tu es trop dur et méprisable. Je veux sortir du marais qui sent mauvais. Je t’en veux un peu de finir comme orgasme, je voudrais qu’ils t’oublient, qu’ils soient moins compliqués que toi. Je préfèrerais les embrasser, que les seuls nœuds, les seules choses qui s’en mêlent et s’y emmêlent soient des langues et des plumes. Des oiseaux de papier, à froisser s’il le faut. Je veux une nature humide mais plus légère, je veux du pittoresque. Je veux ce mot qui prétend un peintre italien, un pittore, mais presque. Il ment un peu, poudre aux yeux, mais pas trop, juste presque.

Je veux enfin héliotrope à mes côtés. Ni trop, ni pas assez, juste un peu de soleil pour m’accompagner, vers qui me tourner. Héliotrope tout seul avec moi, sans autre mot. Peut-être juste encore. Juste pour mon corps. Héliotrope élégant et ne le sait pas. Charmant, gentil, attentionné. Une présence toujours désirée et légère. Héliotrope, ni trop ni pas assez. 


Je pense m’amuser à continuer ce texte pour y mettre tous les mots de la liste ! S’il vous a plu, n’hésitez pas à revenir régulièrement sur ce site pour lire la version finale lorsqu’elle sera en ligne !

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